Les marchands occupant la route de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad)
plus connue sous le nom du couloir de la mort ont été déguerpis ce samedi
matin. C’est une opération menée par la mairie de Dakar.
Scène inattendue par les marchands.
Arrêtés avec un air inquiet, ils sont impuissants devant la démolition de leurs
hangars contenant des marchandises (ordinateurs, imprimantes, pains, etc.). Des
pleurs tombent sur les visages de certains. Surprise pour beaucoup. Bibi Faye
est une vendeuse de riz dans ledit couloir. C’est dans son lit qu’elle a été
alertée du déguerpissement et de la démolition de son hangar de vente. « Je
suis surprise parce que c’est dans mon lit que mes voisins ont m’appelée pour
me dire de venir prendre rapidement mes bagages », lance cette vendeuse
avec une voix tremblotante.
La surprise est générale. Selon
Assane NDiaye, étudiant en licence en espagnol et coiffeur, les marchands
avaient reçu une sommation. Laquelle n’était ni signée, ni cachetée pour
informer les occupants de quitter les lieux après lecture. « Nous avons
reçu une sommation de laisser les lieux. Mais il n’y avait pas de date limite.
Dans cette dite sommation, il y avait des doutes car le lieu concerné était l’Avenue
Cheikh Anta Diop. Il n’y avait ni signature, ni cachet », a expliqué le
jeune étudiant coiffeur marié et père de deux enfants. « Nous sommes tous
des Dakarois, nous savons bien que les deux lieux sont différents », se
plaint-il.
Cet autre vendeur ayant abandonné les
bancs de l’université en 1994 et se consacrer à la vente des livres et des
papiers dans ledit couloir appuie les idées de Assane NDiaye. Moussa Diallo se
dit très surpris de la rapidité du déguerpissement des lieux. La sommation,
fait-il savoir, a été reçue il y a que dix jours. « Mais lorsque nous
sommes allés demander des renseignements à la police, on n’a dit que nous ne
sommes pas concernés. On nous a cité l’avenue Cheikh Anta Diop comme lieu cible
de déguerpissement. Et aujourd’hui, les voici à la surprise générale de tout le
monde», regrette Moussa Diallo.
Selon les marchands, les pertes sont
énormes. Les marchandises détruites sont de diverses sortes. La désolation se
lit sur les visages des propriétaires. « Nous avons connu d’énormes pertes.
Pour moi, pas beaucoup pertes mais quand même j’en ai connu. J’ai un ami qui avait ses matériels. On lui a
interdit d’y toucher. Les pertes sont nombreuses. En ce qui me concerne, j’ai
perdu plus de 50.000 FCFA», déplore Assane Ndiaye. Bibi Faye, quant à elle, n’a
pu rien récupéré. « Hélas, lorsque je suis venue, je n’ai rien trouvé.
Tout avait été déjà détruit », se désole-t-elle.
Cependant, ces marchands attendent
leur sort. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. « Je ne sais pas ce
que je peux faire. Je ne sais pas vraiment », martèle la jeune vendeuse,
Bibi Faye, avec un visage triste.
« Nous sommes là. Tout ce que
nous voulons, c’est de travailler. Comme ils nous ont interdit de nous
installer, nous savons que nous allons faire. C’est bientôt les élections. A
nous, notre carte ! », affirme Assane Ndiaye. Il demande aux
autorités de leur chercher là où travailler après ce déguerpissement. « L’appel
que je lance aux autorités est que nous sommes tous des natifs de ce pays. Tout
ce que nous voulons, c’est de travailler, gagner notre pain. Ici quand si vous
volez, on vous emprisonne, si vous travaillez, on vous déguerpit. Je me demande
ce qu’il faut faire. Je suis un étudiant. J’ai une femme et je suis père de deux
enfants. Je suis obligé de les nourrir. Si on me déguerpit d’ici, où irai-je
travailler pour leur trouver à manger ? Il faut que l’état nous
aide », suggère-t-il.
Moussa Diallo, déguerpi après avoir
passé plus de vingt ans, propose aux autorités de les accompagner. « Le
message que je lance aux autorités, qu’elles sachent que le Sénégal est un pays
en voie de développement. Les gens se débrouillent à travailler. Selon moi,
elles pouvaient vraiment accompagner les marchands, essayer de les suivre
c’est-à-dire de les bien organiser », souhaite-t-il.
L’étudiant Yoro Touré rencontré au
moment du déguerpissement n’apprécie pas l’attitude des autorités sur ce fait. « Les
autorités ne devraient pas agir de la sorte. Ces marchands sont des citoyens
normaux qui n’ont pas de travail. Ils travaillent et gagnent dignement et
honnêtement. Les autorités doivent pouvoir les aider au moins leur donner
d’autres lieux de recasement », pense-t-il. Yoro Touré trouve que les
marchands étaient nécessaires pour les divers services qu’ils rendaient aux
étudiants. « Ces marchands étaient là pour rendre un service social parce
qu’ils permettaient aux étudiants d’avoir des services à moindre coût. Ces
étudiants seront obligés maintenant de se rabattre ailleurs et les coûts seront
beaucoup plus chers. Je pense que cela sera encore difficile pour les
étudiants », ajoute-t-il.
Ce déguerpissement fait suite à celui
de l’avenue Cheikh Anta Diop la semaine passée par la mairie de Dakar.
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