Les étudiants
catholiques de la Paroisse universitaire Saint-Dominique se souviennent des
exploits de leur Christ. A deux jours de la fête de Pâques, ils ont réaffirmé
leur attachement à leur Sauveur en sacrifiant deux heures de marche. )
Un vendredi pas comme
les autres. C’est le Vendredi saint.
L’atmosphère est sereine dans le couloir de la mort de l’Université Cheikh Anta
Diop de Dakar. Un calme de deuil s’y installe. De loin, le passant est pris par
un sentiment de peur. La route de l’Université, connue sous le nom du couloir
de la mort est occupée par un groupe. Les voitures s’arrêtent. D’autres font le
tour pour vaquer à leurs occupations. Pour les piétons, il est difficile de
trouver une voie. Un petit espace devant le mur du campus leur sert de passage.
Proche, deux véhicules
sont devant la foule. Le premier de marque Suzuki 4X4 transporte les baffles de
sonorisation. Le second est vide. A côté de ces engins, un homme tient une
grosse croix en bois. Il la soulève. Il est habillé en chemise wax rouge bâti
dans un jean bleu. De teint noir et d’une taille imposante, il fait face à tous
les autres placés devant lui. A quelques mètres près, se trouvent quatre
personnes portant toutes la même tenue. Vêtues de blanc, elles représentent les
prêtres. Ceux-ci tiennent chacun un livre. C’est la Bible. Derrière eux, une
foule immense obéit calmement et écoute religieusement les mots du principal Prêtre.
Beaucoup d’étudiants
s’étonnent à la première vue de ce groupe. Ils s’interrogent sur ce que cela
peut signifier. « C’est quoi encore
ça ? », se demande cet étudiant au nom de Abdoulaye Ndoye portant
un képi noir et un sac à dos. Il regarde longtemps cette foule. Il demande
finalement à son ami qui l’accompagne. Ce dernier ignore aussi la scène. « Je viens de voir comme toi », lui
répond-il.
Plus loin, cet étudiant
en Sciences politiques et juridiques de l’Université Cheikh Anta Diop a une
réponse à sa satisfaction. « C’est
la marche de la passion du Christ », lui dit un jeune participant,
croix sur la poitrine. Ce rendez-vous est un moment de souvenir pour les
Chrétiens catholiques. « Cette
marche de la passion est célébrée le dernier vendredi avant le dimanche de
Pâques. Elle marque le jour de la crucifixion et de la mort du Christ », explique
cet étudiant et fidèle de la paroisse universitaire Saint-Dominique, située
dans l’avenue Cheikh Anta Diop.
Le son des baffles
résonne modérément. Le prêtre lit la Bible le parcours extraordinaire de Jésus
Christ. Les fidèles catholiques sont arrêtés. Au refrain, ils répondent
ensemble en chœur. Derrière eux, deux policiers veillent à la sécurité. Ils
portent des casques noirs. Un pistolet est placé à leur hanche. Au moment où
les autres se concentrent sur la lecture, ces forces de l’ordre échangent de
petits mots.
Petite marche. Beaucoup
d’arrêts. A la fin de chaque chapitre dans la Bible sur le chemin parcouru par
le Christ, le groupe s’arrête. Ils se courbent en chantant en chœur le refrain.
Plusieurs personnes tiennent aussi des livres. Elles lisent simultanément avec
le prêtre. Certains participants sont assis sur des pierres. Brusquement, tout
le monde s’agenouille. Silence de mort. Ils se relèvent et continuent le
chemin. « Si nous nous agenouillons,
c’est pour prier et implorer Jésus Christ, notre Seigneur », explique
Antoine Monteo, étudiant à la faculté des Sciences économiques de l’Université
Cheikh Anta Diop. «Participer à cette
marche consiste pour moi à réaffirmer ma foi au Christ. C’est dur mais je le
fais », souligne-t-il la croix en chaine bien placée sur sa poitrine. « Nous donnons remercier le Seigneur de
nous avoir donné la vie. C’est l’objet de ma présence aujourd’hui », ajoute-il
avec un ton obéissant. Dans
cette foule, certains pleurent en écoutant le parcours du Seigneur Jésus
Christ.
Sur le goudron, les
arrêts sont marqués. Ces derniers sont tracés en blanc. A tous les arrêts, se
trouvent inscrits la croix. Au dessous de cela, les chiffres en romain sont
indiqués. « Il y a quatorze arrêts
en tout. C’est le Chemin de croix que nous représentons. A chaque arrêt, nous
formulons des prières », précise Grégoire Sarr, Président de la
Jeunesse Etudiante Catholique (JEC). Ce jeune étudiant de vingt-neuf ans dirige
cette organisation depuis deux ans. « Nous
avons commencé la marche du chemin de la passion du Christ à 15 heures
précises », affirme-t-il. « Elle
dure deux heures en tout », ajoute-il.
Après deux heures de
marches avec des prières et des évocations du parcours de Jésus Christ, les
jeunes Catholiques arrivent enfin au quatorzième et dernier arrêt. Pendant tout
ce temps, Adrien Sakho, doctorant en Lettres modernes suivait les fidèles avec
sa voiture. Habillé en tee shirt rouge avec un jean rouge et un képi rouge sur
sa tête, il a participé à toute la marche. « Jésus
vit en chaque Chrétien. Le Seigneur est ce qui m’est de plus cher », dit-il.
Une grosse croix figure sur le dos de son maillot.
La fin arrive. Le
dernier arrêt vient d’être franchi. Une fois devant la Librairie Claire
Afrique, plus de sons, de chansons ne résonnent. De loin en sautant le regard
sur les murs du campus social de l’université, plusieurs étudiants regardent
d’en haut dans leurs balcons l’avancée des jeunes Catholiques. C’est la
stupéfaction car ce phénomène ne se produit pas tous les jours.
Pour traverser la route
et rentrer dans la Paroisse universitaire Saint-Dominique, tous les véhicules
sont arrêtés par les policiers. « Vite
pour libérer la voie », s’écrie ce policier installé au milieu de la
route principale de l’avenue Cheikh Anta Diop. Les jeunes Catholiques de l’Ucad
se suivent, se bousculent pour regagner les places dans l’église où doit se
tenir le reste de la commémoration de la crucifixion et de la mort du Christ.
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